Par complexe d’infériorité, certains guinéens ont pris la mauvaise et l’inimaginable habitude de remplacer les noms authentiques de nos villages par des noms totalement arabes, comme si nous étions des arabes. Malheureusement, cette affligeante et révoltante pratique s’enracine de plus en plus dans les valeurs sociétales de notre patrimoine commun. C’est un affront à notre mémoire collective, une humiliation !
Je tombe des nues. Existe-t-il, dans les mondes arabes, des villages portant des noms africains ou guinéens pour qu’en signe de gratitude nous donnions aussi des noms arabes à nos villages et villes ? Pourquoi refuser ces noms authentiques ? Si c’est à cause de l’idolâtrie liée à ces noms de village ou si c’est à de leur caractère péjoratif comme le brandissent les initiateurs et défenseurs de cette pratique déshonorante et avilissante, pourquoi ne pas les remplacer par d’autres noms purement guinéens ? Pourquoi coller obstinément des noms arabes à nos villages ?
Je suis révolté, scandalisé. En plus du fait que le remplacement des noms authentiques des villages guinéens par des noms purement arabes est de nature à faire la promotion ou à cautionner la supériorité de la race arabe sur la race noire, il contribue à l’effacement d’une bonne partie de l’histoire de la Guinée. Le nom de chaque village guinéen a une histoire. Évidemment, derrière chaque nom de village guinéen se trouve une belle et fascinante histoire qui mérite d’être préservée et jalousement protégée pour les futures générations.
Chaque nom de village porte en lui des valeurs, une partie de la mémoire de la collectivité. Autrement, chaque nom de village porte en lui de riches enseignements, des messages qui rappellent souvent le contexte et la circonstance dans lesquels il est créé. Le changer, c’est faire perdre un pan de l’histoiredu pays.
Connaissez-vous par exemple la signification de la « Kaba ou Kaaba » ? Elle signifie en arabe « Dé à jouer ». L’africain, mais surtout le guinéen est vraiment malheureux. Avec ces changements de nom de ces villages, ils restent certes des villages noirs guinéens, mais très malheureusement, leurs noms sont arabes. Quelle humiliation ! Seuls les africains peuvent faire de telle chose. Aucun arabe, quelles que soient les bonnes relations qu’il entretien avec un pays africain, ne remplacera le nom de son village par celui d’un village africain.
C’est le comble. Les autorités doivent se lever contre ces pratiques qui n’honorent aucunement la Guinée. Oui, ce complexe d’infériorité qui commence à se transmettre de génération en génération, doit être combattu sur toutes ses formes. Les autorités guinéennes, pour commencer, doivent rejeter tous ces nouveaux changements de noms de villages.
Par ailleurs, l’État doit faire respecter l’esprit du code des collectivités concernant notamment le changement de nom d’une localité. Les dispositions de l’article 22 de ce code disposent que : « La modification du nom d’une collectivité ou le nom d’une nouvelle collectivité locale est décidée par la loi créant ou modifiant la collectivité. Aucune collectivité locale ne peut porter le même nom qu’une autre collectivité locale. »
Au-delà même des aspects ayant trait aux valeurs sociétales de notre pays, ces changements de noms de village ou de localité qui se font souvent au mépris de la loi, peuvent créer de sérieux problèmes aux autorités, notamment dans la localisation de ces zones. D’ailleurs, les fils ressortissants qui procèdent à ces changements de noms ont-ils pensé aux enfants nés dans ces villages avant ces changements officieux, parce qu’ils mettent ces enfants dans une situation extrêmement difficile : leurs lieux de naissance n’existent plus. Est-ce que l’État tient compte, dans les documents officiels, de ces changements de noms ?
A l’allure où vont les choses, nous risquons de perdre les noms authentiques des villages guinéens, par ricochet une bonne partie de notre mémoire collective. Les autorités de notre pays, notamment à la base, doivent prendre des dispositions pour freiner cette anthroponymie arabisée sur fond d’assimilation et de superstition.
Sayon MARA, Juriste
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