Kourakoto est un district relevant de la sous-préfecture de Daramagnaky, préfecture de Télimélé. Il est situé au beau milieu des régions de Boké et de Kindia. Les 2600 et quelques habitants de cette localité sont frappés de plein fouet par les effets néfastes de la construction du Tunnel minéralier de la SMB Wininng Consortium, pour le transport de la bauxite entre Santou (Télimélé) et le port de Dapilon (Boffa).
Pour rappel, dans le cadre du Projet Boffa-Boké, la SMB exploite les gisements de bauxite de Santou et Houda. Afin de pouvoir évacuer le minerai, les partenaires de la SMB du Consortium ont construit une voie ferrée de 135 kilomètres qui reliera les gisements au terminal de Dapilon du Port de Boké.

En posant la première pierre du chemin de fer le 29 mars 2019, le Consortium SMB-Winning s’était lancé dans un immense chantier qui comporte la construction de plusieurs ouvrages d’art. Le premier tunnel finalisé est d’une longueur de 2833 mètres, se situant dans la préfecture de Télimélé, à Kourakoto, sous-préfecture de Daramagnaky. Une section du tunnel passe directement sous la zone du village durant 600 mètres, avec une profondeur d’enfouissement variant entre 90 et 105 mètres.


Dans ce district, tout allait pratiquement bien avant 2019, année à laquelle, les travaux de construction du Tunnel minéralier ont démarré. Depuis lors, la vie des habitants de cette localité a complètement basculé. Un journaliste de notre rédaction y a fait une immersion, pour constater de visu, les dégâts causés par l’exploitation minière. Murs d’habitations fissurés, cours d’eau impactés et agriculture menacée, risque d’éboulement, manque d’infrastructures de base, non-respect du contenu local, voilà entre autres faits auxquels les citoyens de Kourakoto font face.

‘’Vous voyez les fissures des maisons ? Il y a des maisons même qui sont tombées à cause du tunnel qui est juste en bas de nos habitations. La maison que vous voyez là, une partie est déjà tombée. Tout ceci, c’est à cause de l’exploitation minière de la société SMB Wininng Consortium’’, a signalé Mamadou Oury Diallo, jeune de la localité, à la fois notre guide tout le long de cette immersion.
Les images sont à la fois saisissantes et alarmantes. Toutes les maisons du district sont fissurées. Partout, les témoignages sont les mêmes. Abdoulaye Diallo, est un jeune engagé pour l’émancipation de la communauté. Tout comme d’autres, sa maison est menacée. ‘’Actuellement, quand je me couche la nuit, les vibrations du train minéralier m’empêchent de dormir. Tant que le train ne sort pas du tunnel, notre sommeil sera perturbé. Cela a considérablement impacté ma maison. Il y a plus de sept (7) fissures sur elle. Pourtant, même un être humain, si un des ses membres se fracture, il ne sera plus le même. Moi par exemple, je suis allé auprès des chinois, je les ai interpellés de la situation, même mes documents j’ai envoyé, ils sont venus avec leurs appareils qu’ils ont installé un devant ma maison. Ils ont vu que j’avais raison, qu’il y avait des vibrations. Ils ont décidé qu’ils allaient payer. Mais la relation communautaire qu’ils avaient installé en ce moment leur a dit que ça, c’est déjà passé. Il m’a lui-même appelé, je lui ai demandé comment cela s’est-il passé ? Il m’a répondu que c’est déjà payé. Je lui ai demandé par qui et à qui ? Je lui ai informé que si ça été payé, alors, ce n’est pas à mon niveau, parce que moi je n’ai pris aucun montant pour ma maison. Il a retorqué que chacune des concessions a reçu 180.000 GNF, que c’est réglé depuis. Ensuite, je lui ai demandé si 180.000 peut construire une maison ? Ce montant peut-il payer même deux sacs de ciments ?’’, a-t-il révélé.

Cet autre père de famille, est lui aussi confronté à la même situation. Il rappelle que lorsque la société SMB Wininng Consortium avait foulé le sol de Kourakoto, elle avait pourtant pris des engagements envers la communauté. ‘’Quand la Société est venue ici, ils nous ont dit de remonter chaque fissure constatée dans une maison. Ce qu’on a fait. Mais quand on leur a dit, il n’y a pas eu de suite. La société n’a pas du tout réagi jusqu’au moment où je vous parle. La fissure que vous voyez chez moi ici, s’est présentée au moment de la construction du Tunnel minéralier. Quand on parle, ils nient’’, a-t-il déploré.


A quelques mètres de là, nous sommes guidés vers une autre habitation. Là-bas, c’est le président de la jeunesse de la localité qui nous présente cette maison en ruine. Les effets du tunnel à travers le passage du train sont désastreux. ‘’Est-ce que vous voyez là où ces gens-là passent la nuit ? Vous voyez le lit éparpillé de l’autre côté ? Lui, c’est un père de famille, sa femme est assise là. Il est sorti pour chercher à manger pour sa petite famille. Sa femme enceinte a 8 enfants. Actuellement, c’est le calvaire chez eux. Nous sommes dans l’inquiétude totale ici. Puisque c’est Dieu qui vous a envoyé vers nous, nous vous prions de nous aider’’, a lancé désespérément Alpha Amadou Diallo, président de la Jeunesse de Kourakoto.

Quatre (4) puits pour tout le village
L’autre difficulté à laquelle cette localité reste confrontée, c’est aussi le problème d’eau potable. Depuis la construction de ce tunnel pour le transport de la Bauxite, l’eau a tari à Kourakoto. Le forage construit par un fils du district, fonctionnait jusqu’en 2019. Tout le village s’approvisionnait en eau potable. Mais depuis, il n’est plus opérationnel.

‘’Ce forage a été construit par Elhadj Oumar Pathé Diallo, qui fait beaucoup de choses pour la communauté de Kourakoto que nous remercions beaucoup. Il contient deux cuves de 10.000 litres. Lorsqu’il a construit ce forage, il a fait des pompes dans le village, quatre différentes pompes. Ça fonctionnait très bien, avant l’arrivée de la société SMB Wining Consortium. Depuis que la construction du Tunnel a commencé, le forage a complètement tari. Il n’y a pas d’eau, le tunnel a aspiré l’eau qui était là. Donc, nous avons tellement de problème d’eau à Kourakoto. L’entreprise n’a rien fait franchement pour la communauté’’, a dénoncé Mamadou Oury Diallo, secrétaire administratif de la localité.
Avoir de l’eau à Kourakoto est un véritable casse-tête. Les femmes sont celles qui souffrent le plus le martyr. C’est d’ailleurs elles qui portent le lourd fardeau. Seulement quatre puits sont utilisés par tout le village. Aissatou, cette mère de famille, la vingtaine, se lamente. ‘’Le problème d’eau nous fatigue beaucoup à Kourakoto. Si ça dépasse ce niveau, on ne pourra pas gagner de l’eau ici, surtout pendant le mois de Ramadan. Il y a beaucoup de personnes dans le village, mais pas d’eau. Je vous demande de nous aider, s’il vous plait. Le problème d’eau nous préoccupe beaucoup. Nous avons que ces quatre puits là pour avoir de l’eau pendant cette période. Et si ça dépasse cette période, il nous faut aller jusqu’à la rivière. Et à la rivière, l’eau n’est pas du tout propre’’.
Une eau impropre à la consommation, c’est bien ce qui est à la portée de plus de 2000 habitants. Cette triste réalité, pousse cette autre mère de famille a alerté sur les conditions dans lesquelles les femmes parviennent à obtenir cette denrée précieuse. ‘’Actuellement, pour avoir de l’eau, il nous faut faire la queue devant les puits. Mais ce qui est inquiétant, le tunnel aspire l’eau des puits et des cours d’eau. Si ça dépasse ce stade, nous sommes obligées d’aller très loin pour avoir de l’eau potable’’.

Face à ce manque criard d’eau dans le village, l’Association Haldi Fotti Kourakoto, composée des fils ressortissants et résidants, décident de poser des actes concrets sur le terrain, pour sauver le village. Mais ces efforts sont restés vains. ‘’Ce que vous voyez là, le tas de sable qui est là, ce sont les ressortissants qui ont creusé un forage ici, pour la communauté. Ils ont creusé ici 250 mètres de profondeur, mais on n’a pas eu de l’eau. Qu’est-ce qui a causé cela ? C’est le tunnel, qui a aspiré l’eau qui se trouvait au village ici. On a creusé de nombreux forages, mais le tunnel bloque tout. Si vous constatez bien, il y a un ruisseau qui quitte vers le tunnel et qui descend, en contournant carrément les habitations’’, a indiqué M. Diallo.
La SMB Wininng Consortium n’a construit qu’un seul forage dans le district. Un forage inachevé et non fonctionnel. Les habitants de Kourakoto dénoncent le non-respect du contenu local par la société minière. ‘’Depuis l’arrivée de l’entreprise minière ici, franchement, nous n’avons rien vu comme intérêt. Il n’y a pas eu le respect du contenu local. Là où nous sommes, c’est là où l’entreprise avait creusé le seul forage pour tout le district de Kourakoto. Ce n’était pas bien fait, donc, c’est complètement gâté aujourd’hui. Ils ont remis le forage alors qu’il n’était pas finalisé. Ils ont envoyé un moteur pour faire monter de l’eau. Même ce moteur est complètement dégradé’’, déplore Mamadou Oury Diallo.
La Société Minière de Boké (SMB) n’est pas la seule à être présente dans la localité. La Compagnie des Bauxites de Guinée (CBG) y est également. Cette dernière s’est illustrée avec un forage qui n’a jamais fonctionné. Ce qui est extraordinaire, elle a procédé à la remise d’une coquille vide.
‘’Ça, c’est le forage que la CBG a offert à la communauté de Kourakoto. Ils ont creusé le forage, mais franchement, il n’y a pas eu d’eau. Lors de la remise du forage, la CBG et les autorités communales étaient venues ici. Pourtant, il n’y avait pas d’eau. J’avais à l’époque souligné ce cas. Je l’ai demandé comment est-ce que vous faites une remise sans eau ? Je ne sais pas si c’est une complicité entre l’entreprise qui a construit le forage, la CBG et la commune rurale de Dara Magnaky, mais en tout cas, c’est flou’’, accuse notre guide.
Pour comprendre ce qui provoque ce manque d’eau dans le district de Kourakoto, nous nous sommes rendus à la sortie du Tunnel au PK97 à Didoun Pouroudjè, où vraisemblablement, l’eau du tunnel se retrouve, déviant ainsi toutes les habitations. Une triste réalité qui interpelle plus d’un. ‘’Ici, c’est la sortie du tunnel. Voilà l’eau qui est là, l’eau qui sort directement du tunnel. C’est ce qui nous a provoqué le manque d’eau au village. C’est ce qui fait que, même si on creuse des forages là-bas, difficilement on pourrait gagner de l’eau potable pour boire. Et pendant la saison sèche, et pendant la saison des pluies, c’est comme ça que le ruisseau là fonctionne. L’eau ne manque pas à ce niveau’’, souligne-t-il la tristesse sur son visage.
Des champs en ruine

L’autre secteur frappé de plein fouet par l’exploitation minière à Kourakoto, c’est bien l’agriculture. Les plantations d’acajous font face à la poussière, mais aussi, à des cas d’éboulement. A Sinthiourou Koua par exemple, un secteur du district, les agriculteurs ont totalement perdu leurs champs.
‘’Vous voyez ce jardin, toutes les plantations sont devenues sèches. Les acajous ne produisent plus. Ce sont les conséquences de l’exploitation minière. C’est ici que nous cherchons notre quotidien pour survivre. Aujourd’hui, il n’y a pas où nous pouvons cultiver des acajous. Nous demandons de l’aide aux autorités, particulièrement au Général Mamadi Doumbouya. Nous l’informons que les mines ont fini de détruire nos plantations d’acajous. Nous lui demandons de nous venir en aide. Vous-même regardez ce qui se passe dans nos plantations. C’est inexplicable et extraordinaire. Pendant la saison des pluies, la boue nous empêche de traverser nos plantations, on a du mal pendant cette période à circuler même dans nos champs agricoles’’, a exhorté Yero Djouma Kanté.
Une école, trois classes, pour 250 élèves
Le secteur éducatif laisse à désirer. La seule école primaire du village a été inaugurée en janvier 2017. Et elle a été offerte par l’UNICEF. Là aussi, l’encadrement est confronté à un manque criard d’enseignants. Seules trois salles de classes sont opérationnelles.
‘’Pour le moment, nous sommes trois enseignants. Mais, il y a une femme qui s’est déplacée, elle est en état de famille très avancée. C’est après ce mois, qu’elle va certainement reprendre les cours. Je suis secondé de Mbemba Bangoura. Lui, enseigne à deux niveaux : 3e et 4e. Il y a un effectif de 64 élèves comme ça. Moi, je suis le Directeur, j’enseigne dans la classe d’examen. On est en retard sur les deux premiers niveaux : 1ère année et 2ème année. Ceux-ci là, leur maitresse est absente. Donc, j’ai demandé à la communauté de fournir des efforts et de nous chercher un enseignant communautaire, d’ici l’arrivée de l’enseignante’’, a confié Souleymane Bah, Directeur de l’école primaire de kourakoto.
Très préoccupé pour l’avenir des enfants de Kourakoto, le président de la jeunesse de ce district adresse un message aux autorités de la transition et aux partenaires techniques et financiers de la Guinée. ‘’La première école qui a été construite ici est déjà tombée. Les enfants n’étudient pas bien ici, faute d’enseignants. Tous les élèves ne peuvent pas contenir la nouvelle école. Il n’y a que trois (3) salles de classes, pour 250 enfants de la localité. Nous n’avons pas aussi de logements pour les enseignants. Nous voulons que l’ancienne école soit reconstruite, pour contenir tous les enfants qui souhaitent aller à l’école. Il y a plus de 100 élèves qui n’ont pas d’enseignants en ce moment’’, a interpellé Alpha Amadou Diallo.
Projets en cours

Les ressortissants de l’Association Haldi Fotti Kourakoto ambitionne de réaliser des projets dans leur district, après plusieurs tentatives sans succès, en raison de la dégradation de l’environnement. A côté du terrain de football de Sally Kènè, ils entendent bâtir un hôpital moderne, avec l’aide des partenaires financiers, qui tardent encore à entendre leur cri de cœur.
‘’Ici, c’est le terrain qu’on a préparé pour la construction d’un hôpital moderne. L’association Haldi Fotti Kourakoto a fait une demande à l’Ambassade du Japon en Guinée, à la Banque mondiale, et à une autre ONG française. Donc, c’est là que nous voulons construire cet hôpital. Mais aussi, on a un projet d’école’’, a annoncé Mamadou Oury Diallo, qui ajoute que leur association ambitionne également de construire une école de plusieurs classes.

Pendant ce temps, Kourakoto fait également face à l’obscurité, malgré ses ressources minières. Aucune lumière, sauf les panneaux électriques installés par quelques concessions. A cela s’ajoute, la poussière qui cohabite désormais avec les habitants de cette localité. Prenant la parole, Sékouba Diallo, président du District de Kourakoto, a exprimé les inquiétudes des sages de la localité. Il a demandé aux autorités de la transition de faire face à leur situation, avant qu’il ne soit trop tard.
Madiou BAH
(+224) 629 882 628
L’article Exploitation minière : Immersion dans le district de Kourakoto, menacé par les installations minières de la SMB Winning Consortium est apparu en premier sur lerevelateur224.