Introduction des mesures révolutionnaires dans le Hajj 2024 : le decryptage du Dr. Sagno (Entretien)

Les préparatifs pour le Hajj 2024 sont achevés. A date, le niveau dépasse les 95%  selon Jean Edouard Sagno, le chef de cabinet du secrétariat général des affaires religieuses. Cette année, plusieurs innovations marquent l’organisation du pèlerinage, notamment une préparation annuelle initiée dès août 2023, un ajustement des capacités de transport, et une amélioration des conditions de logement des pèlerins.

Le quota des 10 000 pèlerins est maintenu, réparti entre l’État et les agences privées, avec une organisation logistique assurée par EgyptAir. Les autorités guinéennes s’engagent à offrir une expérience de pèlerinage digne, en tirant les leçons des années précédentes.

Quel est le niveau actuel des préparatifs pour les réunions de 2024 ?

Si on doit l’estimer en pourcentage, nous dirons que nous sommes à près de 95%. Cela veut dire que l’essentiel des préparatifs sont au point à ce moment précis. Et donc tout ce qu’il faut pour constituer déjà les premiers convois, l’émission des visas et la sensibilisation de l’ensemble des candidats qui devront être du voyage pour les lieux saints du pèlerinage, pour les lieux saints de la Mecque, aujourd’hui nous pensons que tout est presque au point.

Quelles sont les particularités de cette année par rapport à l’année dernière ?

Il y a essentiellement trois particularités. La première particularité, c’est que nous avons été saisis par l’autorité saoudienne en charge du Hajj d’une note officielle dès le mois d’août 2023, aux fins de préparation du Hajj 2024. Ce qui veut dire que depuis août 2023, le Hajj est devenu annuel. Par le passé, nous préparions le Hajj un mois avant le ramadan, pendant le ramadan et un mois après le ramadan. Donc essentiellement sur trois mois. Mais à partir de 2024, le Hajj devient annuel. C’est ce qui nous permet véritablement de prendre toutes les dispositions idoines pour permettre de réussir les préparatifs. A cause de cela, la Guinée a été classée septième pays dans le monde entier ayant satisfait aux exigences des inscriptions et de l’émission des visas pour les candidats au pèlerinage sur dix pays. Donc la Guinée se classe septième dans le monde entier. Pas en Afrique de l’Ouest, pas en Afrique, mais dans le monde entier. Et quand je dis une prouesse, c’est véritablement une prouesse. Ça veut dire que cette année, on n’aura pas de problème de faux visas. Quoi qu’il en soit, nous pensons que c’était un préalable, nous pensons que c’était une première étape, c’était une innovation. L’autre innovation, c’est qu’à compter de maintenant, nous avons pour cette année 44 pèlerins plus 1 guide, ce qui fait 45, et la contenance ou la capacité d’un bus, c’est 45 personnes. L’année dernière, nous avions essayé avec 40 candidats, 40 pèlerins donc, et pour un guide, c’était bon, mais sauf que la capacité exacte d’un bus, c’est 45.

Et puis, tout naturellement, la troisième innovation, c’est le fait que l’on ne peut pas, justement, dépasser le dispositif électronique qui a été mis en place sans que l’on ait un visa original. Donc cela, loin de nous d’être catégorique, pourrait permettre véritablement de se tirer d’affaire et de ne pas tomber dans les mailles de ceux-là qui sont dans le faux, ou le faux visa.

Comment est-ce que le quota des pèlerins guinéens est-il réparti aujourd’hui entre l’État et les agences privées ?

Comme l’année dernière, la Guinée a bénéficié d’un quota de 10 000 places. 10 000 places, c’est au prorata de la population guinéenne. On a considéré que jusque-là, la population guinéenne était de 10 millions d’habitants, en l’absence de statistiques officielles. C’est la raison pour laquelle ce que nous avons fait, c’est d’écrire au ministère du Plan et de la Coopération internationale pour qu’ils nous fournissent les données actualisées de la population guinéenne. Et j’ai la joie de vous informer que nous sommes à peu près 14 millions d’habitants en 2024, puisque nous sommes exactement à 13 983 000, donc sensiblement égal à 14 millions. Donc en clair, pour 2024, nous avons donc reçu le même quota de 10 000 places.

Pourquoi avez-vous préféré choisir la compagnie EgyptAir plutôt que l’Ethiopian Airlines ? Comment ce changement a-t-il été effectué ?

C’est un changement positif. Ce changement est positif en ce sens que chaque année, nous lançons un appel d’offres. Le plus offrant et le mieux disant est celui qui est choisi. Donc si un prestataire offre de meilleurs services, nous allons avec ce prestataire, avec certaines conditions. Les deux principales conditions, c’est l’expérience dans le domaine du transport des pèlerins. L’expérience dans le domaine du transport des pèlerins, Egypt Air est d’ailleurs la plus ancienne compagnie qui transportait les pèlerins guinéens. Mais à un moment donné, Egypt Air a certainement connu un recul. C’est la raison pour laquelle nous avons continué avec la compagnie qui nous offrait un meilleur prix. Et puis en 2024, nous avons jugé nécessaire que l’on pouvait aller avec Egypt Air pour la simple et bonne raison que nous, nos exigences, étaient satisfaites par cette compagnie.

Quelle sont ces exigences ?

Comme je vous l’ai dit, c’est l’expérience dans le transport des pèlerins. Deuxièmement, il faut que la compagnie puisse nous offrir un bon prix. Et en même temps, une capacité technique qui puisse permettre à nos pèlerins de pouvoir voyager. L’année dernière, nous avons eu un seul convoi inaugural en 2023. Mais cette année, j’ai la joie de vous informer qu’en 2024, nous aurons deux vols inauguraux pour le samedi 25 mai 2024. Donc, voici autant de réalités qui font que nous avons voulu aller avec Egypt Airlines.

Combien de convois sont prévus et combien de pèlerins seront inclus dans chaque convoi ?

Alors, globalement, ça dépend de la capacité de l’avion. Par exemple, les Dreamliners qui seront utilisés cette fois-ci, leur capacité, c’est de 308 passagers. Donc à chaque convoi, il y aura 308 passagers. Et les 33 convois permettront de transporter la presque totalité des 10 000 pèlerins. Donc, même s’il reste, je ne sais pas moi, un petit nombre après, ou peut-être une dizaine ou une vingtaine, donc nous pourrions voir comment est-ce que nous pouvons finaliser cela. Mais nous nous efforçons pour que les 10 000 pèlerins puissent partir dans les 33 convois. Et ce, à compter du 25 mai 2024.

Il est important de saluer les efforts de Monsieur le ministre Secrétaire général des Affaires religieuses. Il s’agit de Elhadj Karamo Diawara qui innove et qui, véritablement, est prêt à écouter et surtout n’œuvre que pour le bonheur des pèlerins. Par exemple, au lieu que les encadreurs aillent avec les pèlerins, nous avons un certain nombre d’encadreurs qui sont déjà sur le terrain. Le premier groupe est allé le 11 mai 2024 et le second groupe est allé le 22 mai 2024. Pourquoi le premier groupe ? Le premier groupe pour s’assurer de l’effectivité des contrats de logement, de restauration et de transport. Le deuxième groupe pour venir préparer les conditions idoines dans lesquelles les pèlerins devront être reçus au niveau de l’aéroport de Médine. Et après, comment ils seront convoyés sur les sites, par exemple au niveau des tombes du prophète Mohamed (PSL) et de ses compagnons, au niveau de plusieurs autres sites.

 Donc cela veut dire que les dispositions sont vraiment prises. Et mieux, vous êtes donc un média suffisamment crédible, il vous revient de chercher vous-même et de voir la véracité de ce que nous disons. Pour la toute première fois de l’histoire de notre pays, il n’y a pas eu les conditions idoines de logement comme c’est le cas en 2024. Nos pèlerins seront logés dans des hôtels qui se situent à seulement 800 mètres de la Kaaba.

C’est vraiment une première. Et cela ne s’est jamais fait par le passé. En 2022, l’on s’est ingénié à rapprocher. Nous étions autour de 5 kilomètres. En 2023, on a encore rapproché. Et cette fois-ci, ça a rapproché, mais on a envie même d’être, on va dire, dans le lieu  saint. Vous imaginez un paysan qui paye les frais. Un paysan qui paye les frais du Hajj, qui n’a jamais connu Conakry et qui, pour la première fois, se retrouve à l’étranger et est logé dans un hôtel 5 étoiles. C’est parce que Monsieur le ministre a partagé sa vision avec nous et nous, nous lui avons montré la nécessité de pouvoir obtenir des résultats. Et ces résultats, c’est à l’ère de la refondation.

Ce que nous faisons, que ce soit le CNRD ou n’importe quel régime, le hajj, c’est pour le peuple de Guinée. Et cela, même après le CNRD, l’on devra reconnaître ce qui a été fait. C’est la raison pour laquelle je le dis à haute et intelligible voix et d’ailleurs avec une véritable confiance, parce que je suis convaincu de ce que je dis. Et d’ailleurs, parce que véritablement, c’est un travail qui est à saluer. C’est pour cela que je le dis vraiment avec conviction. Il faut le dire et puis avec une véritable conviction.

Mais nous disons clairement aujourd’hui que les Guinéens sont un peu plus pris au sérieux. Parce que les conditions d’hébergement, de transport et même de restauration, même quand l’Arabie Saoudite a dit que l’on n’aurait pas de cuisiniers guinéens, sur le sol saoudien, nous l’avons accepté. Et ça, c’est en tirant les leçons du Hajj 2022. Parce qu’en 2022, ils ont pris des conditions drastiques. Ils ont dit qu’il y a la Covid et qu’avec la reprise, il n’y aura pas de mains venues d’ailleurs. Et c’est ce que nous avons accepté. Mais les gens n’ont pas apprécié. Les Guinéens n’ont pas apprécié. Parce qu’un Guinéen qui quitte son village pour la première fois, qui traverse Conakry pour aller à la Mecque, et à qui l’on refuse de donner, par exemple, du toori (tô), à qui on refuse de donner du Maragoulanyi, à qui on refuse de donner Haako putee (feuille de patate), à qui on refuse de donner, comment on va dire ça, feuilles de patate, à qui on refuse de donner du Lafidi. Mais ça a été dans des conditions très difficiles et nos pèlerins ont difficilement accepté cela.

 Mais en 2023, nous avons tiré les leçons. Et en respectant ce que les autorités saoudiennes ont dit, nous avons aussi donné un peu de goût à ces mets-là. Et en 2024, nous comptons renforcer cela. Donc voilà ce qui se passe. Le hajj est différent des activités qui se font dans les autres départements ministériels. C’est une activité à haute teneur sociale. Et c’est la raison pour laquelle, quel que soit le régime, quels que soient les dirigeants, quelles que soient les autorités, le hajj doit réussir. Et il doit réussir parce que nous avons au moins plus de 80% de la population de Guinée de confession musulmane. Donc voilà les dispositions que nous prenons.

Votre mot de fin ?

Les mots de la fin s’inscrivent un peu dans la pensée de l’écrivain britannique Edmund Burke. Edmund Burke disait : « The only thing necessary for the triumph of evil is for good men to do nothing. » Ça veut dire, la seule chose nécessaire au triomphe du mal, c’est l’inaction des hommes de bien. Depuis là, quel était le mal ? Le mal, c’était que le hajj, qui est une activité à forte teneur sociale, était foulé aux pieds pour des intérêts de quelques individus, ou peut-être parce qu’on le faisait simplement avec négligence.

Mais aujourd’hui, nous, nous voulons que le hajj s’inscrive en lettres d’or dans les annales de l’histoire de notre pays, comme étant une activité qui implique la dignité, et qui doit permettre à la Guinée d’avoir le droit de cité partout où besoin est. Il ne s’agit pas du tout, encore une fois, du CNRD. Il ne s’agit pas d’un régime. Il ne s’agit même pas de nous qui sommes ici aujourd’hui, parce que nous, nous sommes aussi des autorités pour le moment, mais demain, nous ne serons pas là. Mais il s’agit de la Guinée, et la Guinée est au-dessus de chacun de nos intérêts.

 La Guinée est au-dessus de chacune de nos personnes. Donc, il est important que l’on sache qu’aujourd’hui que le hajj se professionnalise. C’est pour cela que les innovations dont j’ai parlé sont effectives. Par exemple, avant, on pouvait entrer à l’aéroport et en sortir sans que l’on sache concrètement qui est Fatoumata Diakité par rapport à une autre Fatoumata Diakité. Mais aujourd’hui, tout est biométrique. C’est biométrique et il y a un dispositif électronique par lequel il faut passer. Donc, vous ne pouvez pas passer quand vous avez un faux visa. C’est impossible.

Deuxièmement, on entend parler de faux visa, mais sans que les gens ne s’informent ou ne se renseignent pour savoir que quand on dit faux visa, c’est quelqu’un qui est allé dans un autre aéroport, qui n’est même pas passé par là. Or, tous les pèlerins embarquent au centre islamique de Donka, qu’ils soient d’une agence privée ou q de l’État, il embarque au centre islamique de Donka, il entre à l’aéroport national, j’ai bien dit national, ils débarquent à Médine. Mais quand vous avez un pèlerin qui débarque à Jeddah, qui est l’aéroport international, mais ça, ce n’est pas un pèlerin guinéen, ça veut dire qu’il n’est pas venu dans les conditions idoines. C’est aussi simple que cela.

 Donc, ce que nous demandons au peuple de Guinée, c’est véritablement de suivre les consignes qui sont édictées et aujourd’hui, de prier pour les autorités qui sont là, parce que c’est Dieu lui-même qui instaure les autorités. Le jour où il voudra que ce soit une autre autorité, on en parlera, mais pour l’heure, Dieu a voulu que ce soit ces autorités. Il faut prier pour que Dieu leur donne la sagesse et la force nécessaire pour conduire le peuple dans le sillon de la justice et du développement pour notre pays. Donc, le mot que j’ai à l’endroit du peuple de Guinée, c’est véritablement de permettre à ces autorités d’aider notre pays et surtout de considérer que le hajj signifie dignité restaurée de la maison Guinée.

Merci Monsieur Sagno

C’est à moi de vous remercier.

Interview réalisée avant le 23 mai 2024 par BAH Alhassane avec la collaboration Saliou DIALLO