Lélouma : souffrant d’un manque criard d’infrastructures, Linsan Saran peine toujours à sortir la tête de l’ornière 

Pour boucler nos séries de reportages sur la commune rurale de Linsan Saran, Guineenews vous propose ici un condensé de toute l’actualité à laquelle cette localité est confrontée.  Érigée en sous-préfecture en 1976 puis en commune rurale en 1992, Linsan Saran est confrontée à un manque criard d’infrastructures de base. 
 
Cette localité située à environ 130 kilomètres du centre urbain de Lélouma où vivent environ 11 000 âmes reparti dans sept districts peine encore à remplir les conditions dignes d’une commune rurale. 
 
Les défis auxquels elle est confrontée sont énormes: enclavement, déficit d’écoles et d’enseignants, manque d’eau potable, cherté de vie, absence ou inexistence de sources de revenus, manque de bloc administratif ou encore pénurie d’administrateurs locaux sont entre autres les maux qui gangrènent la localité. A cela se greffe aussi l’absence d’un poste de police et de gendarmerie, a constaté sur place Guineenews.
 
De l’éducation 
C’est un secret de polichinelle. Le système éducatif guinéen en milieu rural est en déliquescence. Le cas de Linsan Saran en est une parfaite illustration. Sur le plan de l’élémentaire, la localité ne compte que  seize écoles primaires dont quinze sont fonctionnelles. Seulement 1 503 élèves sont répartis entre ces différentes écoles. Pour un besoin en enseignants estimé à 45, seulement 35 sont disponibles. Et parmi ces 35 seulement 13 enseignants sont titulaires. Tout les autres sont des contractuels, a indiqué le délégué scolaire de l’enseignement élémentaire (DSEE) de la localité. 
Une situation que le président de l’APEAE, Elhadj Souleymane Kébé alias Fodoué déplore : « si ça continue comme ça, l’école risque de fermer ses portes chez nous ici surtout au niveau du centre. A l’école primaire du centre ici, il y a qu’un seul enseignant titulaire pour six groupes pédagogiques. (…). On avait des contractuels. Mais compte tenu de la situation, on ne parvient plus à les payer. C’est vraiment très dommage pour nous ».  Il a appelle les bonnes volontés à sauver l’école à Linsan Saran.
Au niveau du secondaire la situation est encore pire
 
Tenez! L’effectif total de tout le collège est de 37 élèves. Ces élèves se répartissent en trois groupes pédagogiques. Pour la 7ème année, il n’y a seulement que 13 élèves. Concernant la 9 ème, ils ne sont que 12 et en fin 12 élèves aussi pour la classe de la 10 ème année.
Si l’effectif des élèves laisse à désirer, celui des professeurs qui les encadrent reste encore plus alarmant. Seulement trois professeurs sont sur place. Pire encore, ces élèves ne bénéficient que seulement de six cours.
 
Par rapport à cette triste réalité, le principal du collège précise que « comme vous pouvez le constater par vous même, le collège de Linsan Saran se trouve dans une situation très délicate. Nous avons un effectif de 37 élèves et seulement trois professeurs titulaires pour tout le collège. Les contractuels qui étaient là sont partis et ne sont pas encore revenus. Nous souffrons énormément de ce manque de professeurs ici », s’alarme Alseiny Camara.
 
A cela s’ajoute aussi le manque d’écoles dans certains grands secteurs de la localité. C’est le cas à Nialama où les villageois ont fait recours à un hangar précaire pour servir aux enfants de salle de classe. 
 
Faut-il aussi rappeler que le taux de la déperdition scolaire est extrêmement élevé au niveau de la localité de Linsan Saran.
 
De l’administration : 
A Linsan Saran, l’administration publique est confrontée à d’énormes difficultés. Elle fait face non seulement à un manque d’administrateurs mais aussi et surtout à l’absence d’un cadre de travail a constaté sur place Guineenews.
 
Le bâtiment devant abriter les bureaux des autorités sous-préfectorale et communale est en rénovation depuis plusieurs années maintenant. Les travaux sont aux arrêts et peinent encore à se concrétiser .
 
La résidence du sous-préfet est dans état de vétusté très avancé. C’est d’ailleurs ce qui l’aurait contraint d’aménager au niveau du centre d’accueil. 
 
L’équipe communale aussi ne disposant pas de bureau se débrouille au niveau du domicile du secrétaire général de la commune.
 
Faut-il rappeler que ces deux bâtiments ainsi que le centre d’accueil ont tous été construits par les communautés pour tenter de faire face au déficit de locaux de service public. 
 
La localité n’a ni poste de police encore moins de gendarmerie. Et un seul agent assure la gestion et la protection de l’environnement, nous apprend t-on sur place.
 
Face à toutes ces situations déplorables, les autorités locales se demandent toujours à quel saint se vouer.
 
De l’environnement
À Linsan Saran, localité abritant l’une des plus grandes forêts classées de la région , l’environnement reste fortement agressé. La forêt classée de Nialama avec une superficie d’environ 10 mille hectares est chaque année en proie aux énormes feux de brousse. Et pourtant, ce poumon vert de Lélouma a été déclaré classée depuis 1943 pendant l’époque coloniale.
 
Ousmane Bah le responsable préfectoral de la faune et de la flore tente de revenir ici sur les défis liés à la protection et la conservation de ce don de dame nature.
 » Vous savez, je dirais que j’ai consacré toute ma carrière pour la protection de cette forêt classée de Nialama. Car après mes études, c’est ici que j’ai même pratiqué mes stages avant d’être officiellement commis pour la tâche.  Mais sincèrement les défis sont énormes pour changer la donne. D’abord il ne faut pas se lâcher, il faut toujours aller vers les populations de ces 25 villages qui vivent de ressources de la forêt. Leurs expliquer la nécessité de protéger ce trésor que Dieu nous a gratifié . Mais ce n’est pas facile. Ici à Linsan Saran pour veiller et assurer la protection de cette forêt nous n’avons qu’un seul agent. Et cet agent manque réellement de moyens pour contrôler 10 hectares. Car il n’ a même pas une moto. (…). A cela , il faut ajouter la recrudescence des feux de brousse qui consument chaque année une bonne partie de la forêt. C’est pourquoi d’ailleurs nous sollicitons de l’aide à tout le niveau et une très bonne collaboration dans le cadre de la co-gestion de la forêt classée de Nialama. C’est évident, » martèle Ousmane Bah.
 
Sur la même lancée, Abdoulaye Telly Bah un jeune de la localité évoluant dans des ONG de protection de l’environnement renchérit en ces termes :  » notre mission essentielle aujourd’hui, c’est la protection de l’environnement ici à Linsan Saran. C’est pourquoi d’ailleurs on a trouvé des stratégies et moyens de lutte contre la destruction de l’environnement. C’est le cas de l’adhésion à l’apiculture d’un nombre très important de nos citoyens. Car l’apiculture ici rentre dans le cadre de la protection de l’environnement. Nous faisons chaque année des pépinières et procédons au reboisement de plusieurs hectares chaque année. Sans oublier la sensibilisation qu’on fait régulièrement pour que tout le monde prenne conscience des enjeux auxquels nous sommes confrontés », a expliqué le jeune homme.
 
De la santé
Sur le plan sanitaire, pour environ 11 mille âmes reparties dans six districts, il n’ y a que 3 postes de santé plus le centre de santé amélioré.  Malgré cela, dans certaines localités de la sous-préfecture, l’accès au soin de santé pour des citoyens reste un véritable défis.
 
Néanmoins, l’opérationnalisation du centre de santé amélioré n’a été qu’un véritable ouf de soulagement pour les citoyens de Linsan Saran et les localités avoisinantes.
 
Docteur Doulmbouya Mamadou Nancira est le chef dudit centre de santé amélioré. Il explique que : « depuis le début des activités ici au sein du centre de santé amélioré de Linsan Saran, nous nous réjouissons énormément des résultats. Et comme vous le savez, c’est une localité très enclavée. Du coup, avec la qualité des services que nous offrons, il y a vraiment de l’affluence. Les clients viennent d’un peu partout. De Mali qui est une préfecture frontalière. De Gaoual aussi et de beaucoup d’autres localités. J’avoue vraiment que pour le moment, ça se passe bien. Il y a de l’activité et une ambiance bon enfant » , se réjouit d’un côté le responsable du centre avant d’ajouter que » C’est vrai qu’il y a eu des avancées mais il reste encore à faire pour davantage soulager les clients.(…). Du côté du personnel, on ne se plaint pas énormément. Mais en ce qui concerne le matériel, il y a encore des défis à relever. (…). Nous n’avons pas de kits césariens. Des ventouses, des lampes chauffantes entre autres. On a besoin d’une banque sanguine. Et beaucoup d’autres matériels essentiels. En plus, nous sommes confrontés à un manque de moyens de déplacement. Nous sommes en train de mettre en place une adduction d’eau.  C’est pour vous dire qu’on a encore du pain sur la planche », a-t-il nuancé. 
De l’artisanat 
Dans cette localité de Linsan Saran très enclavée, les activités génératrices de revenus sont faibles. C’est d’ailleurs l’une des raisons pour lesquelles l’artisanat reste un secteur d’activité très prisé: des ébénistes et forgerons de Thiéweré en passant par les tisserands de Manda Saran ou encore les vanniers, toutes ces activités font la fierté des citoyens et rythment la vie sociale et économique des différentes localités.
A Thiéwéré un grand village situé dans la forêt classée de Nialama dans la sous-préfecture de Linsan Saran, le travail du bois et du fer est l’activité principale des hommes. Elle se perpétue de génération en génération. Et ce, depuis plusieurs décennies. Ces différentes activités artisanales font la renommée de la localité. Ici, forgerons et ébénistes cohabitent ensemble et évoluent dans les mêmes ateliers. On sculpte des outils traditionnels mais pas des œuvres d’art. Ils y fabriquent en plus des houes, des dabas, des faucilles et des coupes-coupes des mortiers, des pilons, des tabourets, des planches pour la lecture du Coran ou des spatules entre autres. C’est un village artisanal par excellence.
Si à Thiéweré le travail du fer et du bois sont les principales activités, à Manda Saran, ils sont plus d’une cinquantaine à pratiquer le métier de tissage appelé aussi des tisserands.
Leur principale préoccupation est de fédérer tout le monde afin de bâtir une base solide leur permettant de mieux travailler et de bénéficier pleinement du fruit de leurs travaux de tisserands.
Pour terminer, nous aborderons l’épineux problème lié aux difficultés de l’accès à l’eau potable.
Hormis le centre de la sous-préfecture et le district de Kokolou, la quasi-totalité des autres districts est confrontée à une pénurie  d’eau potable. Certains citoyens parcourent plusieurs kilomètres à la recherche d’une goutte d’eau. A cela il faut ajouter le manque criant d’infrastructures routières dans toutes la localité.