MACENTA : Immersion dans la forêt de Ziama, l’une des plus importantes en Afrique de l’Ouest

À Macenta, ville située au sud-est de la Guinée à 721 km de Conakry, se trouve la forêt de Ziama, la plus importante des forêts humides de l’Afrique de l’ouest. C’est une chaîne de montagnes boisée de la région de Nzérékoré. Aujourd’hui, malgré les multiples efforts de la Guinée et de ses partenaires, cette chaîne de montagnes boisées fait face à de nombreux défis. Pour mieux cerner les contours de cette problématique environnementale, notre correspondant régional basé à Kissidougou, s’est aventuré dans Ziama, considérée comme la plus grande forêt classique du pays, à la rencontre des acteurs chargés de sa gestion et de sa protection.

Désignée comme réserve naturelle en septembre 1942 et approuvée comme réserve de biosphère par l’Unesco en 1981, la forêt de Ziama couvre 119.019 hectares et regorge en son sein plusieurs espèces animales et végétales menacées d’extinction, telles que les éléphants, les chimpanzés, les hippopotames nains, le pangolin géant, les picathartes chauves de Guinée etc. En vue d’assurer la protection de ce grand espace vert, l’État guinéen a déployé 50 conservateurs de la nature qui abattent un travail quotidien de surveillance.

Pourtant, ce chiffre est largement inférieur au ratio de l’ICN (International Councils of Nurses) qui recommanderait 100 agents conservateurs pour les grandes forêts comme Ziama. Nommé conservateur en chef de la réserve de biosphère de Ziama en 2023, le lieutenant Mamadi Bruno Dopavogui donne des précisions sur les tâches quotidiennes de son équipe.

‘’Notre mission principale, c’est la protection, la sensibilisation et les appuis communautaires des riverains. Cette forêt est subdivisée en 3 zones que sont: la zone tampon représentée sur la carte par la couleur rouge, c’est-à-dire c’est la partie de la forêt qui est intégralement protégée ; donc, à cet endroit, aucune activité humaine n’est autorisée. Ensuite, la zone de ceinture représentée sur la carte par la couleur verte. Dans cette partie, nous tolérons une légère exploitation, mais qui concerne seulement des activités non lucratives telles que les cueillettes de certains fruits, des prélèvements des écorces de certains arbres etc. Enfin, il y a la zone de transition qui ne se trouve pas forcément dans les périmètres de la forêt classée, mais c’est des zones occupées par les riverains qui ne doivent en aucun cas être exclues du processus de gestion de Ziama et d’ailleurs, nous assistons souvent ces communautés avec les projets d’appuis financés par nos partenaires.

Alors, pour faciliter notre mission régalienne de surveillance, nous avons installé 10 postes de contrôle à travers la forêt et nous avons créé 9 patrouilles pédestres réparties comme suit : 2 patrouilles de reconnaissance, 2 patrouilles d’arrestation, 2 patrouilles de suivi faune, 2 patrouilles suivi et évaluation des éléphants et une équipe de pose caméra. Pour coordonner tout cela, nous organisons des réunions mensuelles, au cours desquelles, chaque chef de poste expose les réalités de sa zone et cet exercice nous permettra non seulement d’avoir les données, mais aussi, de planifier les formes de ripostes. En plus de cette activité de surveillance, nous faisons aussi le reboisement. Par exemple, l’année surpassée, nous avons identifié des arbres et arbustes menacés. Avec l’appui de notre partenaire Kiou S.A, nous avons procédé au reboisement de 6 hectares. Egalement, nous rencontrons chaque fois des communautés riveraines pour des séances de sensibilisation, parce qu’on ne peut pas parler de Ziama sans parler des populations qui l’entourent. Pratiquement, il y a 5 sous-préfectures qui cohabitent avec cette forêt à savoir, Sérédoou, Zébéla, Fassankoni, Worémè et Sengbédou’’, a-t-il détaillé.

Cependant, en dépit de tous ces inlassables efforts abattus, cette laborieuse équipe composée des soldats de l’environnement, fait face à de nombreux défis énumérés ci-dessous, par le chef d’antenne le lieutenant Dopavogui.

‘’Le premier défi ici, c’est d’ordre logistique, nous n’avons pas de véhicule de commandement. Moi, j’ai été doté d’une moto depuis 2019 et c’est la même moto que j’utilise toujours, elle est maintenant vieille. Imaginez-vous quelqu’un qui doit couvrir 119.000 hectares ; parfois, on m’appelle pour des problèmes à 78 km. Donc, ce manque de moyens logistiques nous fatigue assez. On peut citer aussi le manque de personnel, car 50 agents c’est insuffisant pour Ziama. Nous sommes également confrontés à un problème d’infrastructures. Comme vous pouvez le constater, il y a 7 villas ici, mais seulement 3 sont opérationnelles. Tout récemment, c’est un vent violent qui a arraché des troncs d’arbres et cela a endommagé le bâtiment que nous utilisons pour des réunions. Encore, je peux dire que Ziama a des partenaires techniques, mais pas de partenaires financiers. Ensuite, on peut citer le braconnage qui est une réalité ici, il y a le manque d’entretien des plantations pérennes, il y a l’exploitation anarchique des bas-fonds et l’extension des plantations par les riverains, ce qui n’est pas dans la convention qui nous lie à ces riverains. Mais surtout, il y a les conflits hommes-faune particulièrement des conflits hommes éléphants, parce que nous avons 3 éléphants qui se rendent régulièrement dans les communautés. Heureusement que ces communautés sont largement sensibilisées par rapport aux attitudes à adopter face aux éléphants et également, nous leur avons appris des techniques de refoulement. A notre niveau, nous avons mis des colliers sur ces trois éléphants ; donc, si nous sommes connectés, ces colliers peuvent nous indiquer en temps réel la position de ces 3 éléphants problématiques et nous pourrons avertir directement les communautés’’, a-t-il expliqué.

Le massif de Ziama c’est aussi des sites touristiques avec de nombreuses merveilles offertes par la nature. Cette multitude d’opportunités touristiques a nécessité la création d’une direction de l’écotourisme de la forêt. L’adjudant-chef Adama Sacko, le chargé de l’écotourisme à Ziama, énumère quelques acquis touristiques que réserve cette immense forêt à ses visiteurs.

‘’D’abord, ma mission ici, c’est de promouvoir le développement de l’écotourisme à Ziama, afin de permettre à ses sites touristiques d’avoir leurs propres recettes, après le départ des projets. La forêt de Ziama regorge plusieurs sites touristiques identifiés ou non identifiés. Ici, le visiteur peut voir les éléphants et beaucoup d’autres animaux rares, il peut aussi avoir le contact visuel avec une immense étendue de la forêt naturelle à travers les randonnées que nous organisons sur la demande des visiteurs avec l’aide de nos guides touristiques. Egalement, le touriste peut observer ou pratiquer les ponts de lianes, tout comme les masques et danses traditionnelles proposées par les communautés riveraines’’, a-t-il égrené.

Parlant des difficultés, le l’adjudant-chef chef Sacko déplore le fait que ce secteur, pourtant pourvoyeur d’emplois et de ressources financières, ne soit pas suffisamment accompagné.

‘’Ce que je déplore d’abord, c’est le désintérêt des nationaux, je peux dire que depuis ma prise de fonction ici, je n’ai jamais vu un guinéen qui a quitté Conakry ou autres villes du pays pour venir visiter nos nombreux sites touristiques à Ziama. Ce n’est pas du tout encourageant, ici, les visiteurs sont à 100% des étrangers. Le taux de fréquentation est peu faible en vérité. Autre défi majeur ici, c’est le manque de financement pour nos programmes d’identification et de mise en valeur des nouveaux sites. Pour le moment, la principale attraction touristique ici, c’est les éléphants. Beaucoup viennent pour s’assurer si réellement ces éléphants existent et pourtant, il y a beaucoup d’autres choses intéressantes à voir, mais malheureusement, qui ne sont pas bien vendues. Je veux parler de nos moyens de communication quasiment inexistantes. Vous serez d’accord avec moi que le tourisme c’est d’abord la communication. Nous avons besoin de l’accompagnement des médias étatiques et privés, d’ailleurs, pourquoi pas avoir notre propre site en ligne’’, a-t-il sollicité.

En cette période où l’humanité entière vit les conséquences du changement climatique, en témoignent les vagues de canicule qui s’abattent sur notre pays, l’État guinéen et ses partenaires devraient faire de la protection et de la préservation de nos forêts, leur priorité.

 

Depuis la forêt Ziama, Ousmane Nino SYLLA m, pour Lerevelateur224.com.

(+224) 610 454 552

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