Menace sur la liberté d’expression: quand la junte joue à la roulette russe (Éditorial)

Les chaînes continuent de s’abattre de plus en plus sur le peuple de Guinée, brimé dans ses droits les plus élémentaires, dont celui de la liberté d’expression. Les mots ne sont pas assez forts pour exprimer le désarroi ressenti aujourd’hui dans la cité. (Image d’illustration)

A cause de cette chape de plomb qui vient ainsi mettre au pas des populations qui avaient péché par angélisme, en dressant un autel au colonel Mamadi Doumbouya, tombeur d’Alpha Condé. Ces manœuvres liberticides, propres aux régimes de terreur, s’annoncent comme un violent retour de manivelle pour les Guinéens. Vu toutes les misères qui leur sont faites aujourd’hui par le pouvoir du « chevalier blanc ».

Avec entre autres l’impossibilité d’accéder au réseau internet sans le fameux réseau virtuel privé (VPN), le brouillage des ondes du nec plus ultra de la presse audiovisuelle, à savoir FIM-FM, Espace-FM et Djoma FM. Ce dernier groupe de presse s’est vu d’ailleurs retirer du bouquet canal+, sur injonction de Haute autorité de la communication (HAC). Une institution envers laquelle je ne tarissais pas d’éloges, et qui serait en train de devenir aux yeux de certains observateurs, le bras séculier de la junte, pour mettre les médias au pas.

Last but not least, le fisc serait aussi lancé aux trousses de la presse, pour lui porter le coup de grâce. Le but ultime de cette démarche saugrenue étant de faire taire les voix discordantes. Pour laisser la place uniquement à l’information à sens unique. Comme du temps de la Pravda de Staline.

Il y a peu, personne n’aurait pensé que la junte allait franchir le Rubicon, en allant jusqu’à priver les citoyens de l’internet. Cet outil par excellence, devenu indispensable dans notre quotidien de tous les jours. Certes, un pouvoir peut parfois se permettre de brider les libertés, au nom de l’argument sécuritaire. Mais y a-t-il pour autant péril en la demeure Guinée, pour qu’on en arrive à piétiner à ce point les droits fondamentaux du peuple ? Je crois qu’il y a mieux pour ce pouvoir.

Face à cet impair, ceux qui avaient cru en la bonne foi de la junte, de sortir des sentiers battus, et de faire de la Guinée un havre de paix, n’en reviennent toujours pas. Dire qu’ils en ont en travers de la gorge, serait une lapalissade.

Ce serait pourtant tôt pour elle de crier victoire. Même si dans sa croisade, elle n’a fait que d’une bouchée la coalition des forces vives et de la société civile. Ayant bénéficié à l’époque de conjonctures favorables, liées au contexte d’instabilité internationale et de l’appel d’air d’une opinion publique ingénue.

Mais la donne est en train de changer. Et les nouveaux maîtres du pays n’ont plus l’air d’imprimer. Comme s’ils avaient perdu de leur superbe.

D’où les difficultés qu’ils pourraient avoir pour faire sauter le dernier verrou que sont les médias privés. Maillon essentiel des contre pouvoirs, dans un pays où les partis politiques et les corps intermédiaires sont réduits désormais à leur portion congrue.

Le pouvoir de Conakry vient de s’attaquer à un os. Et le préjudice en termes d’image se ressent déjà au sein d’une opinion de plus en plus médusée et très en phase avec la presse.

Hubert Beuve-Méry, fondateur du journal Le Monde, disait que « le journaliste c’est le contact et la distance ». Une assertion que la junte devrait intégrer dans ses rapports avec les médias. Car ce serait se tirer une balle dans les godasses, que de vouloir s’ériger en censeur de la presse et des réseaux sociaux, par ces temps qui courent. Il faudrait plutôt s’en accommoder et veiller à ce que les médias n’en abusent pas.

Il serait donc judicieux pour les princes qui nous gouvernent, de plier les gaules, en renonçant purement et simplement à cette politique de la roulette russe. Autrement, la transition se résumerait simplement à jeter le bébé avec l’eau du bain.